NOMMER LES ÊTRES, NOMMER LES LIEUX
ENFANT CITOYEN
Par LE MAD, Sophie
© Sophie Le Mad
Pour une vaste majorité de la population mondiale, l'environnement de vie est urbain. L'expérience du monde pour un jeune enfant se résume souvent à celle de la ville. Cependant, malgré le fait que l'ONU ait reconnu il y a 30 ans l'importance primordiale des intérêts des enfants, ces derniers sont largement négligés dans les politiques urbaines. L'espace qui leur est alloué dans les villes n'a cessé de se réduire, jusqu'à parfois disparaître.
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Pourquoi est-il important d’inclure les enfants dans les décisions politiques urbaines afin de transformer la ville en partant de leur expérience ? Les enfants peuvent grandement contribuer aux politiques publiques : ils possèdent une capacité à souligner des réalités intolérables que les adultes ont fini par accepter.
Les enfants et les jeunes sont souvent les premiers oubliés des processus de participation citoyenne bien qu’ils soient des acteurs et des citoyens à part entière de la société et qu’ils représentent une part importante de la population française. En effet, 17 % de la population française est âgée de moins de 15 ans, et 34,8 % des Français ont moins de 30 ans en 2024 (INSEE).
La faible présence, voire l'absence, des enfants et des adolescents dans ces démarches compromet la qualité de la concertation et des décisions prises pour deux raisons principales :
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La concertation vise à éclairer la prise de décisions en intégrant la diversité des points de vue et en prenant en compte les besoins et attentes des participants. Les jeunes apportent une diversité de perspectives et représentent un groupe social varié en termes de genre, d'âge, d'origine sociale, etc. Leur implication permet de formuler des décisions plus inclusives et efficaces.
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​La concertation aborde des sujets cruciaux pour la qualité de vie future des citoyens, tels que la transition écologique ou l'urbanisme. L'absence de jeunes dans ces processus les prive de la possibilité de comprendre ces enjeux et d'influencer les politiques qui auront un impact sur leur vie future.
Il est par ailleurs important de rendre la ville adaptée aux enfants parce que cela favorise leur épanouissement, mais aussi parce que les enfants sont d'excellents testeurs : ils utilisent intensivement les espaces urbains et sont sensibles à leur qualité. Si une ville convient aux enfants, elle conviendra à tous, y compris aux femmes, aux personnes âgées et à celles à mobilité réduite.
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Penser à hauteur d'enfants signifie également anticiper les défis futurs, notamment le changement climatique.
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Les enfants sont des explorateurs et des créateurs. Ils peuvent enrichir notre compréhension de la ville. Il est temps de leur donner la place qu'ils méritent et de les impliquer dans la conception de nos villes.
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Il faut déplacer l’attention portée sur le citoyen moyen vers l’enfant, c’est-à-dire que l’administration abaisse son regard au niveau de l’enfant, pour ne perdre aucun des citoyens que la ville représente, d’apprendre à écouter et à comprendre les enfants, filles et garçons, dans leur diversité, pour être capables de comprendre et de représenter toutes les personnes « différentes ».
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Il ne s’agit pas de réaliser des initiatives, des opportunités, des structures nouvelles pour les enfants, il ne s’agit pas de modifier, de moderniser, d’améliorer les services à l’enfance. Il s’agit au contraire d’opter pour une philosophie nouvelle dans la façon d’évaluer, de programmer, de projeter et de changer la ville. Une philosophie dont le maire soit le garant et qui devienne l’âme du programme du conseil.
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Il existe encore peu d’exemple français de prise en compte des enfants dans les décisions publiques. Cependant, dans la commune Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, chaque automne, un représentant de conseil de ville est élu par les enfants de l’école afin de les représenter. Ils y défendent les projets qu'ils ont imaginés. Leurs idées ont déjà sérieusement infléchi la façon dont la politique est faite dans cette commune. Depuis 2019, ils sont même consultés sur le nouveau Plan local d'urbanisme.
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Lorsque les jeunes participent, ils acquièrent une connaissance différente de leur territoire, découvrent le rôle des institutions et des politiques publiques. Ils se forment à la prise de parole en public, au débat et plus largement à l’exercice de la citoyenneté. Leur implication dans les démarches de concertation leur prodigue donc un apprentissage pratique de la démocratie et de ses principes : l’égalité, l’ouverture d’esprit, le respect de l’autre, l’argumentation et l’esprit critique. De surcroît, les enfants et les jeunes sont souvent ravis de rencontrer et d’échanger avec de nouvelles personnes.
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En conclusion, reconnaître et encourager la participation des enfants et des jeunes dans la vie citoyenne est non seulement un impératif démocratique, mais aussi une source d'enrichissement pour les politiques et les projets publics, ainsi que pour les individus eux-mêmes. Redonner aux enfants leur place en tant que citoyens, c'est également préparer des adultes qui, demain, se sentiront impliqués dans la ville où ils vivent et, pourquoi pas, y participeront activement.
BIBLIOGRAPHIE
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SCHUURMAN Mieke. 2014.La participation des enfants dans les décisions publiques; pourquoi et comment impliquer les enfants?. Vademecum OEJAJ, Bruxelles. URL : https://oejaj.cfwb.be/fileadmin/sites/oejaj/uploads/Hors_PublicationsTravaux/Documents/CIDE/Participation_des_enfants_en_FWB/La_participation_des_enfants_et_des_jeunes_aux_decisions_publiques/VadeMecum_PED_def___1_.pdf
TONUCCI Francesco. 2019. La ville des enfants, pour une [ré]volution urbaine; Marseille : édition Parenthèse. [Traduction de l’italien, version originale, 1996].
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