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HABITANT·E ?

2019-2020

Cette troisième édition a cherché à interroger les notions d’habitant et d’habitante au prisme de l’altérité : qui habite ? qu’habite-t-on et comment ? Sachant que si nous habitons, nous pouvons aussi êtres habité·e·s. 

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Mais habite-t-on encore aujourd’hui ? 

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Selon Ivan Illich, habiter est un art, et en conséquence l’être qui habite est un artiste. C’est pourquoi il parle d’art d’habiter: au-delà de la construction d’un abri, c’est la manière dont les hommes et les femmes vivent et s’approprient les lieux. Habiter c’est alors demeurer dans ses propres traces tout en laissant la vie quotidienne prendre le dessus. C’est ainsi  que les manières d’habiter se transforment. 

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Dans habiter, il y a aussi habits, habitudes,… L’étymologie latine du mot (habere, c’est à dire avoir) nous rappelle le sentiment de possession voire de propriété qu’implique les rouages de l’habiter

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De nos jours, l’habitat est devenu un ensemble de normes et de règles, régies par notre société, selon des critères de confort, au péril de l’art d’habiter. On retrouve ce phénomène dans le monde de la construction qui répond à ces règles sans l’ambition de concevoir des espaces où l’art d’habiter vernaculaire peut continuer à se développer.

Dans une société ou le logement domine, ou des habitats sont « fabriqués » sans vraiment prendre en compte l’habitant·e, est-ce toujours possible de laisser des traces ? Qu’est-ce que ces traces révéleraient à propos de nos sociétés contemporaines?

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Questionner l’habitant·e, et par extension, l’habiter, c’est aussi questionner l'accès et les types de logements disponibles dans notre société occidentale où ils s’uniformisent afin de répondre à une demande normée d’habitat. Ceci impacte directement n’importe quel individu puisqu'il a tout intérêt à entrer dans ces normes s’il souhaite se loger. Mais ceci impacte encore plus directement les demandeurs de logements sociaux puisque l’acceptation de leur dossier dépend des types de logements disponibles à cet effet. Selon Camille François, l’entrée dans un logement social est facilitée (voir conditionnée) par une stabilité familiale et une normalisation de la structure familiales du demandeur. De ce fait, le logement social devient un outil de normalisation des habitants et des familles, pour les bailleurs sociaux, et par extension, pour l’État. L’habitant·e n’est alors plus considéré·e comme un individu à part entière mais plutôt comme un individu faisant partie d’un ménage. Ainsi ses caractéristiques et manières d’habiter personnelles sont mises à l’écart et des catégories (comme les jeunes de cité ou les périurbains) constituent des groupes pensés comme homogènes et souvent stigmatisés.

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Ainsi, lorsque l’on s’interroge sur la notion d’habitant·e, il faut aussi s’interroger sur :

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  • Les relations qui existent entre gouvernance et mode d’habiter : en d’autres termes, quelles sont les formes d’habiter acceptables au regard des prises de décision gouvernementale ? 

  • Les liens entre altérité et habitant·e : en d’autres termes, quels impacts ont ces prises de décisions sur les habitant·es, surtout lorsqu’ils n’entrent pas dans les normes établies ?

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Mais à l’heure de l’anthropocène, la diversité des habitants et habitantes est à prendre en compte au-delà de l’échelle des individus de l’espèce humaine, à l’échelle écosystémique. Les habitant·e·s d’un milieu sont aussi les animaux, les végétaux, les champignons, les virus et les bactéries. La construction de l’identité de l’habitant·e résulte de sa manière d’habiter, de son appropriation et de sa créativité. La grande variété des formes d’habiter génèrent des relations particulières au milieu et leurs représentations  traduisent un lien spécifique à l’environnement. Certaines formes d’habiter remettant en question l’ancrage territorial sont la cible de répression, tels que les nomades. 

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Cette introduction rédigée à plusieurs mains ainsi que les réflexions développées dans les mots surlignés en gras de celle-ci ou encore ceux-ci : appartenanceapprivoisement appropriation muralecheminement sonorechez soi diaspora - domestication - en communhabitusexpérience médialerue/route ont fortement été inspirées par le travail collectif des textes suivants :

 

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BELGUIDOUM Saïd. Stigmatisation et bricolage identitaire: le vécu de l’entre-deux, Colloque international  “Les lignes de front du racisme. De l'espace Schengen aux quartiers stigmatisés", Institut Maghreb - Europe, Université Paris 8, janvier 2000, Paris, France, consulté en novembre 2020, URL: halshs-00940455

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CAILLY Laurent, DODIER Rodolphe. La diversité des modes d’habiter des espaces périurbains dans les villes intermédiaires: différenciations sociales, démographiques et de genre, Norois [En ligne], nº 205, 2007/4, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté en novembre 2020, URL: http://norois.revues.org/1266

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FRANÇOIS Camille. Produire et normaliser les familles par le logement. L’exemple du travail de relogement dans la rénovation urbaine, Mouvements, n° 82, 2015/2, p. 36-42.

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GATTA Federicca. L’habitant dans les transformations urbaines. Figures de l’engagement ou de l’altérité?, In: Jean-Pascal Higelé, Lionel Jacquot (sous la dir de), Figures de l'engagement. Objets - Formes - Trajectoires, Presses universitaires de Nancy - Editions Universitaires de Lorraine, 2017, p. 299-315.

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GERMANAZ Christian. Au bout du monde, l’ilet. Les Carnets du paysage, 2008, p.99–111, consulté en novembre 2020, URL: hal-01244166 

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ILLICH Ivan. L’art d’habiter, Paris: Ed. Du Linteau, 2016 (1984).

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MOREL-BROCHET Annabelle. La saveur des lieux. Les choix de l’habitant, son histoire, sa mémoire, In: Annabelle Morel-Brochet, Nathalie Ortar (sous la dir. de) La fabrique des modes d’habiter; Hommes, lieux et milieux de vie, Paris: L’Harmattan, 2012, ch.3, p. 69-90.

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