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Âmes

Par PIERACCI, Quentin
 

Il faudrait tout d’abord tenter de définir les  notions de Nature et Culture. La première se référerait à la nature originelle, la seconde, quant à elle, serait le produit de la création de l’Homme. L’opposition entre nature et culture ne sert pas, en effet, seulement à distinguer ordinairement dans l’ordre des phénomènes, ceux qui relèvent des régularités mécaniques et ceux qui indiquent des intentions morales , elle est aussi un des outils dont l’anthropologie s’est servie pour expliquer que la diversité des phénomènes humains s’appuie sur l’unité d’une nature. Alors comment l’âme questionne ce rapport nature/ culture? Où se situe- t-elle au sein de ce rapport ?

 

S’extrait alors, à mon sens, certains positionnements. Une position qui désignerait l’âme comme une chose d’origine naturelle, faisant partie intégrante de l’Homme, mais pouvant être transformée par celui-ci, de par son évolution, son histoire. Elle pourrait également désigner un rapport au monde, une façon de le voir, de l’appréhender, où l’âme serait commune à toutes les espèces et où l’humain et le non humain ne seraient définis que par un « habit », une enveloppe. Enfin, une position qui tente de désigner une forme d’abstraction, d’épaisseur impalpable qui émane, qui vit, qui englobe la nature des choses, et qui influe sur une culture.

 

Le mot âme provient, de anma, alma en espagnol, en italien anima, de anima, dont la signification primitive est souffle, vent, et, par extension, respiration, vie, esprit, âme. Il semble donc ici important de s’intéresser à la question de l’animé.

 

L'animé s’applique aux humains, aux animaux, aux végétaux, qui ont une vie et une mort. Aux astres en mouvement qui vivent. La notion de non animé serait réservée aux éléments inertes. L'animisme est la croyance en des âmes agissant en « dehors » des humains vivants qui habiteraient dans les animaux, les astres, les rivières ou les volcans, les plantes, tous animés par des forces, des épaisseurs invisibles. Ce n’est donc pas au moyen de leur âme qu’humains et non-humains se différencient, mais bien par leurs corps. L’animisme peut être une conception du monde dans laquelle les esprits sont les réalités primordiales dont les corps ne sont que les effets seconds.

 

Les Jivaros Achuar, par exemple, traitent tous les éléments de leur environnement, les non humains, comme des partenaires sociaux. Ils entrent en communication avec eux par le moyen de rêves et d’incantations. Il n’y a donc pas de discontinuités entre humains et non-humains, entre nature et culture. La forme manifeste de chaque espèce est une enveloppe (un habit) qui sert à cacher une forme interne animée.

Les Achuar ont une vision entre humains et non-humains qui n’est pas celle qui nous est familière. Ils  n’ont pas de hiérarchie entre ces entités. Il y a pour eux une ressemblance des intériorités : les animaux, les plantes, etc ne sont pas différenciés. Pour eux, chaque classe d’êtres a des atouts biologiques, corporels, morphologiques, qui lui permettent d’agir dans un certain type de milieu. Toutes les espèces ont une intériorité et peuvent communiquer par cette forme de langage universel de l’âme.

 

« J’ai alors commencé un périple dans la littérature ethnographique pour voir si ce que j’avais observé à l’intérieur d’une microrégion se présentait à une échelle plus vaste. Et je me suis aperçu que le modèle que j’avais observé chez les Achuar était présent dans d’autres régions du monde, chez les Indiens d’Amérique du Sud, du grand Nord, chez les Pygmées et chez certaines populations d’Asie du Sud-Est. En me basant sur l’opposition « intériorité »-« physicalité », j’ai décidé d’appeler ce système où les non-humains ont les mêmes attributs d’intériorité que les humains, mais se distinguent par leurs caractères physiques, « l’animisme »

(Phillipe Descola -interviewhttp://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Par-dela-nature-et-culture)

 

Cet animisme efface les frontières entre psychologie et physiologie qui confère à l'âme une force extracorporelle, immatérielle dont chaque espèce est constituée. Plusieurs sociétés sont donc «animistes», elles relatent un rapport au monde totalement différent de la société contemporaine.

 

L’âme est la vie, ce qui habite « un être », pour parler d’architecture, elle est ce qui nous touche. Elle crée un dialogue entre architecture, ressenti, émotions : toucher l’âme de celui qui la visite. Matériaux, atmosphère, lumière, sont un royaume d’entités, porteur d’aura et ensemble réunies, elles constituent une âme. Par la perception, par nos sens, elle entre en résonance avec la nature des choses, la nature de l’être.

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BIBLIOGRAPHIE

Descola Phillippe, Par-delà nature et culture, Éditions Gallimard, Paris,  2015.

Vallet Odon, Petit lexique des mots essentiels, Éditions Albin Michel, Paris, 2001.

SITOGRAPHIE (consultée entre décembre 2019 et janvier 2020)

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