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RÉCRÉATION

Par FREMINEAU, Aurore et PANCIATICI, Marion

 

La récréation est une douce parenthèse qui offre aux jeunes esprits une pause enchantée. Ainsi les cours se taisent et la cour s'anime. Chaque enfant y trouve son bonheur. Durant ce moment de détente, on peut croiser toutes sortent de structures, d’objets, de jouets permettant aux enfants de se distraire un instant.

 

Les balançoires montent vers les nuages et révèlent les cris joyeux des bambins. Les marelles aux peintures colorées dessinent des chemins d'aventures où les enfants sautent, rient et s'évadent. Les cerfs-volants défient le vent en emportant tous les soucis des petits comme des plus grands. Le ballon passe de pied en pied, complice d’un esprit d’équipe qui se cache dans chacun d’eux. La distraction vient chatouiller l'âme des écoliers. Elle est d’une facilité à approcher, qu’une feuille tombe, qu'un papillon passe, et l’enfant rêve. Les instants de jeu nourrissent l’imagination où la récréation devient le berceau de la liberté. Et quand la cloche appelle à nouveau, les enfants, les joues rouges, les yeux brillants, retournent en classe le cœur léger, l'esprit renouvelé. Ainsi, la récréation et la distraction sont les muses discrètes de l’éducation. Elles façonnent des esprits libres et rêveurs offrant à chaque enfant des moments de bonheur.
 

Le temps de la récréation semble donc un temps où le jeu occupe une place centrale. Chacun·e s’adonne à ce qu’il-elle préfère. Les un·e·s tentent de battre leur record à la corde à sauter ou à faire des prouesses techniques en en utilisant deux, les autres jouent au football avec un ballon en mousse, un matériau plus souple que le cuir pour atténuer l'impact de la balle sur le corps de celles-ceux qui partagent le même espace. Certain·e·s ne cessent de courir dans les différentes variantes des jeux de course poursuite que sont le jeu du loup, chat perché ou les gendarmes et les voleurs pendant que d’autres utilisent les plaques d’égouts comme terrain de jeu de billes. Des chants résonnent dans l’enceinte de la cour de récréation et rythme le jeu appelé Trois petits chats, le jeu du facteur ou encore Un, Deux, Trois, Soleil.

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Photographie prise devant l’école maternelle publique Georges Thill, 11-17 Rue Georges Thill, 75019 Paris, 23 mai 2024

Ces notes introductives montrent comment nous voyons, dans un monde idéal, la récréation et comment les jeunes parents l’imagine. Certes, elle a pour but de divertir les enfants mais qu’en est-il réellement et quels impacts a-t-elle sur les enfants ?

Le dictionnaireLarousse en ligne, consulté le 14 mai 2024, définit la récréation comme « un temps accordé aux élèves pour leur permettre de jouer ou de se détendre » et plus largement, comme « le repos, [le] délassement que l'on s'accorde après un travail ». Étymologiquement, il vient du latin recreatio et s’apparente au réconfort dans son sens le plus ancien. Dès 1482, il est utilisé dans le contexte scolaire. Il dérive lui‐même de « récréer » qui dans sa forme ancienne a le sens de « ranimer » et vient du latin recreare. Il apparaît dans son sens actuel au XIXème siècle, construit à partir de « recréer » et « création ».

L'organisation du temps de la récréation est pensée selon les besoins de l’enfant et dépend donc de son niveau. Deux récréations sont prévues dans la journée, une le matin, idéalement entre 10h et 10h30, et une l’après-midi, entre 15h et 15h30. L’article 4 de l'Arrêté du 9 novembre 2015 fixant les horaires d'enseignement des écoles maternelles et élémentaires prévoit la durée de la récréation à environ 15 minutes pour les primaires et à 30 minutes pour les maternelles, en comptant le temps d'habillage et de déshabillage des enfants. Dans les écoles où le nombre de classes est important, les plages horaires des récréations sont étalées et les classes de niveaux différents sortent les unes après les autres de sorte que chaque élève puisse profiter pleinement de la cour. Le matin avant le premier cours, à la pause déjeuner et en fin de journée, la récréation est plutôt un temps d’attente avant le début de la journée d’école, avant et après le repas ou avant l’arrivée des parents.

Toutes ces définitions que l’on retrouve dans les dictionnaires et les lois misent en place pour réguler les récréations montrent que cette dernière est originellement créée pour divertir l’enfant. Cependant, d’après l’anthropologue Julie Delalande (2001), la récréation est perçue comme devant reconstituer la force de travail et l’attention mobilisée en classe. Elle joue un véritable rôle pédagogique.

La mise en place de cette pédagogie repose sur divers critères, en commençant par l'autonomie. Il existe deux dimensions à l'idée d'une certaine autonomie des enfants dans la cour d'école : la première concerne la liberté relative accordée aux élèves pendant la récréation, où les enseignants en profitent également pour se détendre, la seconde concerne les connaissances sociales et ludiques que les enfants acquièrent et que les adultes oublient souvent de prendre en compte ou ne connaissent pas suffisamment. Effectivement, cette approche pédagogique se complète par le fait que chaque enfant accorde une grande importance à la recherche de sa propre place dans une école. Il semblerait que les élèves de l'école primaire, libres de se défouler entre deux temps de classe, se débarrassent de toute règle inutile et se laissent aller à agir de manière anarchique. Cependant, les enfants ne cherchent pas le désordre, et dès leur arrivée à la maternelle, ils-elles réalisent que jouer ensemble nécessite des accords et des compromis. Ils-elles découvrent tout d'abord le plaisir de jouer à plusieurs au contact de leurs aînés de la moyenne et grande sections. Aussi les relations sociales permettent aux enfants de se développer durant leur temps de jeux avec la reconnaissance des valeurs sociales et de l’importance du groupe dans la société.

En effet, à l'école primaire et, plus tard, au collège, la récréation est un temps privilégié pour le développement des relations sociales. Comme le dit le philosophe Thierry Paquot (2022) : « Des bandes se formaient avec leurs leaders et leurs subordonnés, des coups partaient, des cris retentissaient, des rivalités s’exacerbaient, des amitiés se nouaient, des solidarités s’exprimaient, des inimitiés se confirmaient » (Paquot, 2022 : 107). Ainsi, la cour de récréation se révèle être une micro-société où les enfants se regroupent selon leurs affinités, leurs origines culturelles ou le milieu social de leurs parents. Ils-Elles peuvent, dès cet âge, tisser des liens forts qui dureront dans le temps. En revanche, la cour de récréation constitue aussi l’espace où se renforcent, voire se construisent, les inégalités, en particulier de genre. La géographe Edith Maruéjouls (2018) explique que l’aménagement usuel des cours de récréation avec un terrain de foot contribue grandement à la ségrégation fille/garçon : ceux-ci occupent une place centrale, alors que celles-là sont reléguées aux coins, invisibilisées malgré leur nombre. Les sociologues travaillant sur le sujet, tel que Patrick Rayou, observent le même phénomène où les garçons occupaient souvent, avec leurs jeux de ballons, le centre de la cour, laissant aux filles la périphérie. Ces dernières se trouvaient donc reléguées au second plan et plus difficiles à observer par le chercheur. Ensuite, on notera que l’occupation de l’espace révèle le caractère du groupe qui, soit cherche à se donner à voir à tous, à s’imposer et occupe alors le centre, soit recherche un endroit à l’écart pour s’adonner à une activité qui, au contraire d’attirer l’attention du public, voudrait se préserver du regard des autres. La distribution des enfants dans l’espace est donc fonction de leurs occupations. Ainsi, la cours’organise selon un découpage qui n’est pas seulement à associer à une logique utilitaire, mais devient, avec les habitudes, celle d’une génération d’élèves qui respectent l’organisation instituée. Un groupe qui s’installerait pour jouer aux billes à l’emplacement traditionnellement occupé par les footballeurs s’en trouverait vite délogé, de même qu’une bande de copines ne s’aventurerait pas sur le territoire conquis par des garçons, à moins de vouloir les provoquer.La récréation peut également être le terrain de harcèlement scolaire.  En effet, le psychopédagogue Bruno Humbeeck (2012) affirme que la cour de récréation est clairement identifiée par la majorité des élèves comme le principal espace d’expression de la souffrance psychosociale qu’ils-elles vivent en milieu scolaire.

 

Pour conclure nous pouvons dire que la récréation est définie par un grand nombre d’entre nous comme un espace de jeux qui permet aux enfants de se défouler mais en réalité elle est bien plus qu’une simple pause dans la journée scolaire. C’est un espace où les enfants grandissent, apprennent à se connaître et développent des compétences essentielles pour leur vie en société. Il est important de leur laisser une autonomie afin d’acquérir toutes ces compétences mais il faut tout de même rester attentif en tant qu’adulte pour que cet espace de jeu ne soit pas propice au harcèlement scolaire qui pourrait avoir un impact irréversible sur l’enfant.

BIBLIOGRAPHIE​

BOUANCHAUD Cécile, « Dans les cours de récréation, les filles sont invisibilisées » dans Le Monde.fr, 16 septembre 2018, consulté en mai 2024. URL : https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/09/16/dans-les-cours-de-recreation-les-filles-sont-invisibilisees.html

DELALANDE Julie, La cour de récréation : contribution à une anthropologie de l’enfance, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001.

DELALANDE Julie, La cour d’école : un lieu remarquable, Recherches familiales 1, n°2, 2005, p. 25-36.

DELALANDE Julie, La récréation Le temps d’apprendre entre enfants, Enfance et Psy 4, n°24, 2003, p.71-80.

HUMBEECK Bruno, De la relation co-éducative à la cité de l’éducation, Thèse de doctorat, Université de Rouen, 2012.

HUMBEECK Bruno, LAHAYE Willy, Prévention du harcèlement et des violences scolaires, Bruxelles : Ed. De Boeck, 2016.

JAMET Alexandra, L’écologie de la cour de récré’ des Cardabelles (Aveyron), Marseille : Ecole Nationale Supéreiyre d’Architecture de Marseille, 2022. [Mémoire de master disponible sur : https://www.marseille.archi.fr/enseignements/productions-pedagogiques-de-lensam/de4/in-hospitalite-des-lieux/

MARUEJOULS Edith, Faire je(u) égal. Penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants, Paris : Ed. Double Ponctuation, 2022.

PAQUOT Thierry, Cour ou cours de récréation, in :Pays de l’enfance, Vincennes : Ed. Terre Urbaine, 2022, p. 106-111.

VACHIAS Isabelle, Marie Quartier, enseignante et psychologue : "La cour de récréation, c'est le laboratoire du harcèlement scolaire" dans La Montagne.fr, 21 mars 2023, consulté en juin 2024. URL : https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/marie-quartier-enseignante-et-psychologue-la-cour-de-recreation-c-est-le-laboratoire-du-harcelement-scolaire

SITOGRAPHIE (Consultés entre mai et juin 2024)

Larousse [en ligne] : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/récréation

Arrêté du 9 novembre 2015 fixant les horaires d'enseignement des écoles maternelles et élémentaires : https://www.legifrance.gouv.fr/Arrêté-09112015

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