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PIERRE

Par FAURE, Amélia
 

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Photomontage, Faure Amélia ©

            L’Homme entretient depuis 2,5 millions d’années une relation avec la pierre si intime qu’il appela plus tard la première partie de son histoire « l’âge de pierre ». Aujourd’hui, cette expression un peu désuète est remplacée par le terme paléolithique vient du grec « palaios » (qui veut dire ancien) et « lithos » (qui veut dire pierre). Néanmoins le rapport à la pierre continue de résider au coeur du concept.

 

            Les pierres furent parmi les premiers outils et armes de l’être humain. Il les façonna progressivement jusqu’à atteindre un certain niveau de perfectionnement. En ce sens, celles-ci incarnent des symboles qui augmentent la force et l’efficience des premiers hommes et femmes dans leur environnement.

La pierre a de tout temps fait partie de l’humanité : chauffée sur un feu, elle servait à la cuisson des aliments ; érigée en structure, elle abritait les vivants ou les morts. En Allemagne, l'esprit des morts résidait dans leurs pierres tombales, tout comme, en Afrique, des pierres portaient en elles l'esprit d'un ancêtre.

Une pierre pouvait signifier un dieu ou devenir un lieu de culte telle la pierre noire de Kaaba à la Mecque, objet central du pèlerinage musulman (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_noire_(islam)).

 

            Ainsi au-delà d’être une matière première indispensable à la survie de l’humanité, au-delà d’être une ressource pour fabriquer tels ou tels objets, la pierre dans toutes sortes de cultures, se vit conférer toutes sortes de dimensions spirituelles.

            Ou pourrait affirmer que l’appropriation de la pierre finalement est ce qui fait l’Homme. C’est le seul être vivant sur cette terre qui l’exploite et/ou la vénère. C’est le seul capable de la transformer pour son propre usage ou pour l’adorer.

 

            Pourtant le monde minéral est considéré comme la forme la plus basse dans l'échelle de la création naturelle. Mais c’est également un symbole d’éternité. Elle renvoie directement à la roche car elles en sont des fragments. Et cette roche constitue notre terre depuis sa création par l’accumulation de particules (venant d’autres roches, des carapaces d’animaux, de minéraux présents dans l’eau, etc.) qui finissent par « se coller » les unes aux autres et par se consolider.

            La roche et donc la pierre sont finalement ce qui reste d’une vie passée, comme une marque du temps sous nos pieds. Et cet héritage a un poids ! La pierre pèse ; il faut une force extérieure pour déplacer ou modifier une pierre. Lorsqu’on la lance elle demeure inerte, ce qui en fait un symbole de solidité et de stabilité également.

 

            Beaucoup de langues, beaucoup d’expressions font référence à la pierre.

            Dans la langue anglaise, notamment de nombreuses expressions reflètent cet aspect inférieur, on dit d'une personne qu’elle est stupide, aveugle ou sourde comme Pierre. Nous accusons une personne insensible d'avoir un « cœur de pierre ». Quand, dans le mythe grec, Médusa transforme quelqu'un en pierre, cela signifie psychologiquement que la victime régresse à un état inconscient.

Nos pires peurs nous pétrifient, nous dérobant notre capacité à agir et nous « restons de marbre ».

 

            Ce qui est fascinant également c’est sa densité. La pierre semble impénétrable…

Dans « Conversation avec la pierre », la poétesse Wislawa Szymborska écrit :

 

"Je frappe à la porte de la pierre

- C'est moi, laisse-moi entrer.

Je veux pénétrer dans ton intérieur,

y jeter un coup d'œil,

te respirer à fond.

 

Et pourtant l’Homme réussi, depuis des millénaires, à la façonner à son image jusqu’à la rendre plus vivante que jamais. Il réussit à pénétrer en son coeur, à tailler sa chaire.

Michel Ange fut le virtuose de la pierre, lui qui détestait peindre et qui pourtant nous légua de si beaux chefs-d’oeuvres, était le génie de ce matériau et trouvait dans la pierre sa quête de perfection et de beauté absolue.

 

            L'idée d'une chose gravée dans la pierre la rend inaltérable et figée, contrairement à la nature changeante du minéral qui défie toutes catégories.

 

            "De la pierre de Jacob, décrite dans la Bible aux mégalithes de Stonehenge, combien de fois la pierre a-t-elle été représentée en tant que symbole ! Systématiquement, la pierre va se trouver associée à un événement qui a marqué l'humanité : les mégalithes, alignés dans la direction du lever du soleil aux solstices, les "pierres tombées du ciel", dont on s'est demandé si elles n'étaient pas messagères des dieux ; les pierres qui guérissent, celles utilisées pour prédire l'avenir... La pierre résiste à l'usure du temps. Elle va donc servir de mémoire, de support pour transcrire les grands faits marquants qui ont ponctué notre histoire. » (Blondel, 2015).

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            Cette valeur mémorielle de la pierre s’incarne dans l’architecture. A l’époque où la majorité des gens ne savaient pas lire, c’est dans la pierre que l’on gravaient des histoires. Dans les églises, la pierre racontaient les évangiles, sur les murs des pyramides avec les hiéroglyphes, ou dans les bas reliefs évoquants les mythes des différentes cultures.

 

            La pierre est donc le matériau noble de la construction, celle avec laquelle on construit des temples pour rendre hommage aux divinités. Le matériau qui protège les croyances. Mais elle est aussi le matériau que l’on érige par vanité et pour le faste. Le matériau du pouvoir, des forteresses, de la richesse. Le matériau que l’on fait venir de loin pour sa beauté et son caractère précieux comme le marbre de Carrare.

Paradoxalement, la pierre est aussi le matériau des campagnes et des petites fermes. En Provence, on connait bien les mas et les bories qui étaient fabriqués avec les pierres locales. C’est la matière avec laquelle on a bâti les petits villages escarpés du sud de la France, que l’on réemploi à l’infini pour rebâtir. C’est aussi celui dans lequel on taille directement son habitation pour se protéger des éléments comme le faisait notamment les Turcs de Goreme.

BIBLIOGRAPHIE

Blondel Jean-François, Le symbolisme de la pierre à travers l’histoire, Éditions Trajectoire, Escalquences, 2015.

 

Caillois Roger,  L'écriture des pierres, Flammarion, coll. "Champs", Paris, 1980.

 

Philibert Myriam, La pierre, Éditions Pardès, coll. "Bibliothèque des symboles", Grez-sur-Loing, 2004.

 

Viroux Pascal, Le symbolisme des pierres précieuses, Editions Guy Trédaniel, Paris, 1996.

SITOGRAPHIE  (consultée entre novembre et décembre 2019)

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