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ARCHITECTURE

Par FERT, Ferdinand
 

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Photographie : aire d'autoroute du Jura sur la A39, Fert Ferdinand ©

   Aborder l'architecture par les thèmes Nature/Culture ne nous offre que l'embarras du choix quand au sujet à traiter. Nous aurions en effet pu remonter aux origines de la discipline et tenter à partir de cette dichotomie d'en donner une définition, nous aurions pu également parler de l'architecture vernaculaire et du mouvement moderne, nous aurions pu encore, de manière plus prosaïque, traiter de la question de l'écologie, des matériaux et de leur mise en œuvre, et certainement bien d'autres sujets encore.

 

   Mais la porte d'entrée empruntée ici est celle d'un constat, celui que depuis la fin du 20e siècle, l'architecture se caractérise par une absence de style dominant comme pouvaient l'être le classicisme, le modernisme ou le post modernisme. Ce dernier, qui incarnait les valeurs d'une société post-industrielle, consumériste et informationnelle, s'éteint au début du 21e siècle et clôt une série qui laisse le langage architectural sans réel idéal idéologique ou social, et donc sans règles. A tel point que si l'on veut cerner ce qu'il conviendrait d’appeler la mode et non plus le style, il serait plus efficace aujourd'hui de s'intéresser à la licence, c'est à dire aux conventions tacites qui dérogent à l'intersubjectivité généralisée de la forme architecturale, plutôt qu'à la recherche d'un langage commun et partagé.

   Toutefois, en toile de fond de cette actualité versatile et fluctuante, venu des tréfonds de l’Europe renaissante du 17e, résonne encore et toujours la querelle des anciens et des modernes. Si les anciens sont aujourd'hui appelés modernes et les modernes comparés à des anciens, le débat, sans toutefois déchaîner les foules (on peut le déplorer) reste d'une actualité certaine. Rappelons que la thèse des modernes repose sur l'idée de progrès et la critique du principe d'autorité des anciens, pour qui la référence à l'architecture antique qui sous-entend l’existence d'une beauté immuable, naturelle, est la seule qui soit digne d’intérêt.

 

   Pour illustrer ce travail, la réflexion s’appuie sur des extraits tirés de conférences auxquelles se sont livrés individuellement deux architectes à la cité de l'architecture et du patrimoine : Stéphane Fernandez de l'Atelier Stéphane Fernandez et Eric Lapierre de L'agence ELEX. Ce sont deux architectes français de notoriété internationale, tous deux enseignants en école d'architecture et responsables occasionnellement d’événements culturels qui promeuvent une certaine idée de ce qu'est l'architecture à un public non averti. Ils représentent donc deux facettes, à un niveau de reconnaissance équivalent, de ce qu'est l'architecture contemporaine.

 

   Mais précisons ce qu'il est entendu ici par ancien et moderne, il n'est pas dit que l’architecture de Fernandez soit une imitation de l'architecture antique ni que celle de Lapierre en soit supérieure, puisque le partage est vu ainsi. L'architecture de Fernandez est – dans ses formes et dans la composition du plan -  moins dans l'imitation antique qu'elle n'est construite autour d'un récit qui place une certaine expérience architecturale originelle, voire primitive, au pinacle de sa pensée. Quant à la supposition d'un Lapierre moderne, il est moins ici question de progrès technique ou technologique que d'une pensée qui se structure de manière rationnelle au regard du passé de la discipline et en réponse aux problématiques contemporaines. C'est dans le récit que chaque architecte formule pour éclairer sa pensée que cette disparité est la plus lisible d'où l’intérêt porté vers les conférences.

 

   En se penchant un peu sur ces deux discours, il est intéressant de noter qu'ils manifestent un intérêt particulier pour le passé, un des points convergeant se cristallise en effet autour de la notion d'histoire. Mais pour les deux architectes elle ne revêt pas la même signification. En ce qui concerne Stéphane Fernandez, l'histoire est à rapprocher du temps ; l'histoire c'est celle du regard de l'Homme sur l'architecture et du temps qui nous sépare de la matière sensible (« la matière usée par le temps fabrique le regard que l'on porte tous les jours ») ; l'histoire, dans une vision presque romantique, serait une fenêtre vers un temps suspendu qui porterait en elle quelque chose de substantiel et qui nous serait transmis à travers la sensibilité matérielle de l'architecture (« l'architecture est avant tout une question de matérialité, de poésie et de sensibilité. »  « C'est l'idée de mettre au centre à la fois la matière et le temps »).

   Dans le cas d'Eric Lapierre, l'histoire est celle moins vaste de la discipline architecturale. Elle est un moyen, jusque dans une certaine mesure, de justifier un certain nombre de choix car elle est une source de connaissances. L'histoire reste néanmoins quelque chose dont on doit être capable de  s'affranchir afin de répondre de manière pertinente aux problématiques contemporaines (« on se pose la question de comment maintenir l'architecture au niveau d'une culture savante mais évidement aussi pour qu'elle satisfasse et soit compréhensible par tout le monde. »)

 

   De la même manière, le rapport à l'objet architectural est chez les deux architectes très différent. Chez le premier, ce rapport est direct, pour capter l'architecture il faut être dans une relation sensible à la matière, le lexique employé est à ce propos très significatif (« Le bâtiment est fabriqué par le mouvement des corps »; il faut « expérimenter d'un point de vue émotionnel et sensible l'architecture ») ainsi que les fréquentes insinuations faites quand à la difficulté de retranscrire à l'oral ce qui relève d'une expérience. Chez le second, le rapport est plus distancié, il n'est pas question ici d'expérience sensible autre que celle de la raison. L'architecture touche parce qu'elle est un langage commun, parce qu'elle est reconnaissable non pas à travers les sens mais à travers l'intellect. Si ce rapport est différent, les effets attendus sur celui qui expérimente sont du même ordre, nous sommes en effet tous sensés être touchés, dans  un cas par la matière, le temps et le mouvement des corps et dans l'autre par une rationalité, une forme de logique partageable. Dans un cas, il s'agit d'une expérience primitive, celle de l'Homme restauré dans un état antérieur, originel – on pourrait dire naturel – quand dans l'autre c'est la supériorité de la logique et de la raison qui est mise en avant, celle de l'Homme sur la nature.

 

   La dichotomie nature/culture en architecture est bien évidement plus complexe et moins manichéenne que ces lignes semblent l'indiquer, de même que les problématiques liées à la querelle des anciens et des modernes ont des échos contemporains bien différents de ce qu'elles étaient au 17ème siècle. Mais il reste un fondement qui n'est pas inintéressant lorsque l'on désire partager les architectes en deux catégories : ceux qui conçoivent l’existence d'une beauté naturelle – entendue ici comme originelle – et ceux qui la jugent illusoire.

Conférence de Stéphane Fernandez

 

 

Le travail de l'atelier s'établit à travers une relation à la géographie et au paysage et bien évidement à partir d'un lieu. L'agence se situe dans la campagne aixoise, un lieu calme et serein avec la sainte victoire en fond et un paysage qui se découpe, une nature méditerranéenne qui marque à la fois nos esprits et le climat dans lequel on travaille. Le bureau se trouve à l’abri de l'urbanité et à l'abri des assauts du temps.

 

C'est quelque chose qui marque l'imaginaire, la matière usée par le temps fabrique le regard que l'on porte tous les jours.

 

Le travail de l'agence est centré sur la question de la matière et sur la question de l'intelligence de la main, c'est à dire le travail en maquette et en matériaux réels qui nous permet d'expérimenter d'un point de vue émotionnel et sensible l'architecture.

 

Les maquettes conservées au sein de l'agence constituent un imaginaire constant, qui accumule un savoir, et prouve que l'architecture est avant tout une question de matérialité, de poésie et de sensibilité.

 

Le bâtiment est fabriqué par le mouvement des corps, ces mouvements sculptent les espaces intérieurs, sculptent les expériences sensorielles et émotionnelles. C'est l'idée de mettre au centre à la fois la matière et le temps, mais aussi le mouvement des corps.

L'épaisseur, la trace de la fabrication de la matière.

 

On interroge aussi la question de la perception du paysage, c'est à dire d'imaginer que notre regard finalement est conditionné par notre culture, et imaginer le seuil à partir duquel notre imaginaire prend le pas sur notre œil, cette question du paysage est intéressante parce qu'elle ne nous donne pas à voir simplement ce qui nous entoure mais finalement tout l'imaginaire que pourrait apporter le paysage dans lequel s'installe l'architecture.

 

La patine, l'usure, le mouvement perpétuel des corps qui donnent cette sensation à la pierre d’être presque un élément froid.

 

 

 

 

 

 

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Source :

 

https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/matiere-stephane-fernandez-architecte-atelier-fernandez-serres-aix-en-provence

Conférence d'Eric Lapierre

 

 

L'architecture est une discipline autonome, constituée d'un point de vue historique et théorique de manière très précise, cet ensemble de connaissance a une actualité qui fait qu'il est toujours pertinent aujourd'hui pour organiser la vie, on accorde une grande importance à ce corpus de savoir spécifique lié nécessairement à une perspective historique.

 

On s'inscrit dans le champ d'une architecture dite savante qui existe en tant que concept opératoire conscient depuis le début du 15e siècle à Florence avec le travail de Brunellesci.

 

L'architecture est avant tout une discipline culturelle et intellectuelle.

 

Si l'on considère que l'architecture c'est donner une signification particulière à un bâtiment et que le métier d'architecte consiste à définir les formes qui permettront de réguler cette manière de communiquer qu'auront les bâtiments, pendant des siècles l'architecture a reposé et a été un langage commun.

 

Faire de l'architecture, c'est donner une forme à un bâtiment. Quelques soient les prémisses, il faut à un moment donné prendre des décisions formelles, que l'on espère significatives. Par delà la réponse à un programme et un commanditaire, ce qui nous intéresse c'est faire de l'architecture juste pour que l'architecture continue d'exister en tant que médium sophistiqué dans la condition ordinaire qui est la nôtre.

 

Dans la condition très ordinaire des moyens contemporains de production, on se pose la question de comment maintenir l'architecture au niveau d'une culture savante mais évidement aussi pour qu'elle satisfasse et soit compréhensible par tout le monde. L'architecture est une discipline rationnelle, ses formes obéissent à une forme de logique, ce n'est pas une discipline totalement subjective ou les décisions seraient arbitraires et à partir du moment où les formes sont logiques elles deviennent compréhensibles par tout le monde et donc partageables, ce qui est la condition pour établir une culture architecturale.

 

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Source :

 

https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/surrationalism-eric-lapierre-architecte-eric-lapierre-experience-paris

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