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ITINÉRANT·E

            Mot provenant du latin itinerari «voyager»

Par DUMAIS-ROSA,Laura
 

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Est qualifié d’itinérant-e ce qui a pour vocation de se déplacer régulièrement (personnes, expositions, missionnaires, etc.).

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Alors qu’en France, on utilise le terme de « sans domicile fixe » - dont l’abréviation SDF est mentionné dès le XIXe siècle sur les registres de police (Damon, Paquot, 2014:63) -, le Québec choisit de baptiser ces êtres marginalisés et souvent mis à l’écart, d’itinérant-es. Le terme employé sur le nouveau continent porte en lui une telle souplesse, qu’il pourrait tout aussi bien englober les voyageurs et les touristes. Il est donc intéressant de s’attarder sur la naissance du terme touriste. L’histoire raconte que les jeunes aristocrates anglais du XVIIe et XVIIIe siècle parfaisaient leur éducation lors d’un « tour » sur le continent (Damon, Paquot, 2014:66). Ces jeunes anglais n’ont pourtant pas été considérés comme des sans-abri bien qu’ils soient en période d’errance pouvant se prolonger au-delà d’une année. Seront donc baptisé de SDF ou d’itinérant ceux et celles qui, vraisemblablement, sont « sans-logis (absence de logement), de sans-abri (victime de catastrophe), de clochard (marginal n’appelant pas d’intervention publique), de vagabond (qui fait plutôt peur) ou encore de mendiant (qui sollicite dans l’espace public)» (Damon, Paquot, 2014).

 

Posséder un logement, avoir un toit. Avoir une maison. Toutes ces expressions prennent une dimension hautement sensible et personnelle. À chacun sa manière de définir ce qu’il qualifie de maison. Pour certains, il s’agit d’un lieu qu’on partage avec la famille, les amis. Pour d’autres, il s’agit d’un lieu de sécurité, un abri construit de mur dans lequel on trouve refuge face aux aléas de tous les jours. Malgré toute l’importance que l’on accorde à posséder un abri, on compte en 2019 en France seulement plus de 200 000 sans-abri. On pourrait débattre longuement sur les implications sociales de ce phénomène, mais ce qui m’intéresse plus particulièrement est le terme employé. On nomme de cette manière des êtres humains en raison d’un bien physique qu’ils ne possèdent pas. Puisqu’il nous faut peser et comprendre le poids des mots, une terminologie si lourde de sens me paraît questionnable. Ce terme marque également une temporalité qu’il m’est important de requestionner. Compte tenu de toutes les démarches administratives permettant l’accès au logement, être sans-abri semble être un statut bien définitif et difficilement remédiable. D’abord,  est exigé un emploi ou un revenu stable afin de justifier la capacité financière à payer le loyer mois après mois. Ensuite, puisque la sécurité du bailleur ne peut-être assurée simplement par cette preuve, on exige également une caution. Ce cosignataire du bail s’engage à assurer le paiement s’il fait défaut. L’accès au logement doit donc être assuré par un revenu qui dans un État frappé de crise économique semble difficile, considérant la faible quantité d’emplois disponibles.

 

Plutôt que de s’appuyer sur ce que ces gens qui vivent de grandes difficultés non pas, pourquoi ne pas les définir par ce qu’ils sont? Cet autre phénomène qui les caractérise est leur mobilité. Ils sont en mouvement. Ils sont en itinérance. L’itinéraire n’est peut-être pas défini, ni d’une distance aussi conséquente que ce que l’on pourrait imaginer. Pour certains, il s’agit de se mouvoir dans l’espace de la ville: occuper un banc de parc pour les nuits plus douces, s'installer sous un pont pour s’abriter de la pluie. Il est ainsi intéressant de questionner ce mobilier urbain, vocable qui nous vient de l’industriel Jean-Claude Decaux (Carmona, 1985). On observe une certaine homogénéité mondiale dans le catalogue du mobilier urbain. Force est de constater l’émergence de ces mobiliers prisés pour leur inconfort, empêchant ainsi un séjour prolongé. Servant auparavant de support au repos des gens en itinérance, ces gens jugés indésirables sont maintenant exclus (Damon, Paquot, 2014).

 

Selon le site web "errance urbaine", l’itinérance touche plusieurs catégories de personnes : hommes, femmes, jeunes, personnes âgées, étudiants, migrants… Ce sont différentes raisons sociales et économiques qui mènent ces gens à arpenter les rues.

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Si l’on considère l’itinérance au sens institutionnel, nous pouvons nous appuyer sur la définition de la Politique nationale de lutte contre l’itinérance du Québec qui la définit comme telle : « un processus de désaffiliation sociale et une situation de rupture sociale qui se manifestent par la difficulté pour une personne d’avoir un domicile stable, sécuritaire, adéquat et salubre en raison de la faible disponibilité des logements ou de son incapacité à s’y maintenir et, à la fois, par la difficulté de maintenir des rapports fonctionnels, stables et sécuritaires dans la communauté. L’itinérance s’explique par la combinaison de facteurs sociaux et individuels qui s’inscrivent dans le parcours de vie des hommes et des femmes » (strait du site web officiel de la province du Québec).

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Les causes de l’itinérance sont variées. Certains facteurs sociaux tels que la pauvreté, la difficulté d’accéder à un logement abordable et salubre et l’isolement en sont quelques exemples. D’autres facteurs individuels participent à fragiliser les individus : problèmes de santé psychologiques ou physiques, déficience, dépendance, isolement par exemple.

 

Certaines itinérances restent dans l’ombre, cachée à l’abri des regards. Des femmes évitent la rue en passant de refuge en refuge ou encore de la maison d’un ami à une autre…  De dissimuler cette itinérance à pour effet de réduire l’ampleur du phénomène d’itinérance.


Ces gens qui vivent dans des conditions instables sont souvent méprisés et mis à l’écart. Il y a pourtant une forme de tolérance face à cette situation pourtant inacceptable. Avoir un chez-soi, c’est plus qu’avoir un abri. C’est un lieu où l’on se sent bien, où l’on va pour retrouver de l’intimité. Ne plus avoir cet abri implique graduellement une rupture sociale. Certaines personnes touchées par l’itinérance se coupent peu à peu des tissus sociaux pouvant leur apporter de l’aide.

 

Il existe des structures mises en place par les gouvernements afin de venir en aide aux gens éprouvant des difficultés liés à l’absence de logement. Au Québec, l’organisme Dans la Rue offre différents services. C’est le seul organisme montréalais présentant une approche multifacette aux problèmes. Ils offrent : un bunker (abri d’urgence), un centre de jour (offrant entre autres, des programmes d’emploi, de soins, de santé, d’informations juridiques et d’éducation), 17 appartements, la roulotte-répit (qui va à la rencontre des gens dans la rue pour apporter nourriture et lit pour une sieste). Cet organisme qui célèbre ses 30 ans est l’un des plus connus et des plus actifs sur l’Île de Montréal.

 

 

 

Références

 

Carmona, â€‹ Michel. Le mobilier urbain, Puf, « Que sais-je? », 1985.

Damon, â€‹Julien et Thierry Paquot, Les 100 mots de la ville, Puf, « Que sais-je? », 2014.

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Sites web consultés en juin 2019:

 

https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/aide-et-soutien/portrait-des-personnes-en-situation-d-itinerance/

https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/itinerance/

https://www.cnrtl.fr/etymologie/itinérant

https://fr.wiktionary.org/wiki/itinérance

https://www.littre.org/definition/itinérant

http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/itinérant/fr-fr/

http://www.je-parle-quebecois.com/lexique/definition/itinerant.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sans-abri

https://erranceurbaine.wordpress.com

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