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PARFUM

Par DAHNOUN, Hanane
 

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Sentir un parfum peut réveiller en nous des souvenirs et des sentiments. Un beau parfum ne manque pas de faire nous sentir heureux et désireux. En effet, le parfum, c’est un élément du monde, de la beauté qui relie nos sens à nos pensées et nos âmes.

« Les expériences sur l’imagerie mentale des docteurs Fretigny et Virel (1) ont démontré que les parfums et les odeurs ont un pouvoir sur le psychisme, car ils facilitent l’apparition d’images et de scènes significatives, ces images à leur tour suscitent et orientent des émotions et des désirs : elles peuvent aussi se rattacher à un passé lointain » (Chevalier, 1982 : 732).

Le Larousse en ligne définit le parfum comme « un produit odorant pour parfumer le corps, composé d’un mélange de produits aromatiques (concentré) et d’alcool éthylique, qui sert de support et d’amplificateur à l’odeur ».

Étymologiquement, le mot parfum vient du latin per fumum (par la fumée ou à travers la fumée), c’est qu’avant la découverte des techniques de parfumerie modernes, les parfums ont été obtenus en brûlant du bois, des plantes, des résines pour obtenir leur encens ; car, depuis l’Antiquité, l’Homme cherche à embellir sa vie, que ce soit avec des formes et des objets autour de lui, des senteurs pour son bien-être, et notamment  pour la communication avec le(s) dieu(x) (la dimension sacrée). Avec l’inhalation de roses et d’herbes, il a découvert les différentes odeurs de son environnement. Il n’a eu de cesse d’expérimenter de différentes manières et par divers mécanismes pour obtenir une odeur agréable.

Le parfum est passé à travers l’histoire par plusieurs civilisations qui avaient chacune une vision différente de son utilisation afin d’arriver à ce qu’il est aujourd’hui, pour nos sociétés occidentales, un synonyme de luxe et d’une certaine délicatesse. Nous retraçons ci-après brièvement ce voyage à travers les époques.

L’Égypte, berceau de la parfumerie, a laissé une empreinte profonde dans l’histoire des parfums, avec la fabrication des substances parfumées, destinés à deux fins :  d’une part, les parfums étaient uniquement réservés aux prêtres, fabriqués à l’intérieur des temples, spécifiquement pour la momification ; seules d’ailleurs les personnes d’importance sociale, religieuse et politique obtenaient des parfums dans leurs tombes . D’autre part, ils étaient destinés aux reines avant d’entrer, peu à peu,  dans la vie quotidienne.

Pour les anciens Grecs, par contre, l’utilisation des parfums s’est développée à des fins de séductions. Le parfum devient alors synonyme de beauté, et plusieurs mythes sur les origines des plantes odorantes se développent.

La culture arabe a grandement contribué au développement de la parfumerie, avec l’extraction des huiles dans un but médical. Avicenne a découvert la méthode d’extraction des parfums, en fabriquant la première huile essentielle pure de rose qui fut, plus tard, appelée la distillation à la vapeur d’eau. Il a participé notamment à l’introduction de nouvelles matières premières.

Le premier parfum qui a été fait avec cette technique de distillation parvient, en Europe, en 1370. C’était la fameuse eau de la reine d’Hongrie, à base de fleur de romarin et d’alcool. Cette eau qui avait un rôle de purificateur contre les maladies en la mettant sur le corps, ainsi qu’on la buvant avait un rôle médicinal. Le parfum était bu et aspergé sur tout le corps.

En France, l’engouement du parfum au 16 siècle, est parvenu du fait de l’influence d’autres pays d’Europe, comme le Portugal, l’Espagne, l’Italie ; et notamment du fait des grandes découvertes maritimes, puisque des aventuriers explorateurs rapportèrent de nouvelles senteurs principalement des épices, de l’encens et du benjoin.

Une forte influence aussi, du fait que Catherine de Médicis épouse d’Henri II, a rapporté toutes les influences de la Renaissance italienne en France et notamment la coutume des gants parfumés.

Rapidement, la corporation des maîtres gantiers parfumeurs fut créé en France, en 1656, sous le règne de Louis XIV. Pendant la Révolution et l’arrêt de la monarchie, ce qui était lié à la noblesse et à la richesse devait se faire discret. Être parfumeur au moment de la Révolution n’était donc pas l’activité la plus tranquille. Certains, pour être dans l’air du temps et attirer la sympathie ont lancé des parfums avec des noms évocateurs comme la guillotine. Au siècle des Lumières (18ème siècle), marqué par la légèreté, la volupté, le luxe, raisons pour lesquelles les senteurs musquées du 16ème siècle furent remplacées par des senteurs beaucoup plus légères, fraîches, florales. On peut notamment citer l’eau de Cologne qui était fort prisée de Napoléon lors de ses conquêtes d’Europe.

A ce moment, Grasse, Ville des parfums, est réputée pour son savoir-faire local, ce qu’illustre le film Le parfum de Tom Tykwer, issu du livre éponyme de Patrick Suskind où la jeune Grenouille qui est dotée d’un odorat surnaturel, voyage de Paris à Grasse afin d’apprendre la technique de l’enfleurage (2) dans le but de conserver le plus longtemps possible les odeurs car la distillation, la méthode utilisée à Paris, à ce moment-là, ne fonctionnait pas. Grasse participe au développement de la parfumerie en France, à travers la fabrication des différents articles de parfumeries (poudres, eaux parfumées, pommade, savons,…) : « En 1810, le commerce de la parfumerie représente en France un peu moins de 2 millions de Francs.  En 1900, il passe à 80 millions » (Fontmichel, 1984). Cette production exponentielle se fait au moyen de l’industrialisation où les produits de synthèse ont remplacé les produits naturels. Ce phénomène a permis aux parfumeurs la création de nouvelles nuances  en parfumerie qui ne se trouvaient pas à l’état naturel.

Le parfum comme d’autres formes de création passe par des aires et des tendances qui suivent les découvertes de molécules, qui suivent les désirs des différentes sociétés, des désirs de souvenir, d’enfance, de confort, de tendresse, ce qui signifie les besoins d’une époque et d’une société à un moment donné.

Désormais, dans le monde entier, ce flacon raffiné composé d’un assemblage complexe de notes odorantes, est mis en valeur par un immense marketing qui fabrique un marché avec un grand rendement et qui ne cesse d’évoluer : « en 2016, 2240 lancements de nouveaux parfums dans le monde ; chaque seconde, un flacon et demi est vendu en France » (Taravant, 2018). Des parfums à prix exubérant et des parfums à prix abordable, à chacun son goût et son budget (3).

Des roses de Bulgaries et de la vanille de Madagascar pour la maison Guerlain, des roses de grasse pour la maison Chanel, tout ça semble beau et exceptionnel. Mais qui fait ce métier ? Qui fabrique ce parfum ?

Devenir NEZ (4) est une formation qui est devenue possible, au vue de l’intérêt que porte l’Homme aux parfums. C’est du travail, il faut être capable de mémoriser les odeurs basiques qui composent la grande majorité des parfums, avoir une passion sans faille pour le secteur du parfum, un esprit curieux, ouvert sur l’international, un goût pour l’expérimentation, une envie d’apprendre et de se cultiver, ainsi qu’une culture générale sur le parfum et des capacités d’olfaction, selon les conditions d’accès affichées par cette école sur son site web.

Est-ce qu’il faut être doué pour être nez ?  Est ce qu’il faut être artiste et créateur ?  Je crois que oui, la formulation des fragrances est un art, car le parfumeur cherche des notes, des accords. Tout comme le musicien, il fabrique une pièce d’art.

Jacques Cavallier-Belletrud, parfumeur, créateur français, ne dissocie pas la création de l'émotion (5). Il dit « Un bon parfumeur ne dira jamais 'je sens', il dira 'je vois'. J'imagine un croquis olfactif, une formule et je concrétise ensuite le prototype à l'atelier. On visualise les matières premières en associant une image à chaque odeur. Il faut avoir la juste proportion pour créer l'harmonie." Le nez fait ensuite porter le parfum à une personne de son entourage pour ensuite décider de changer la formulation ou non. "L'odorat est le médium, ajoute Thierry Wasser. Les mots sont des matières premières, on raconte une histoire" » (cité par Moreau, 2018).

Et pour trouver la fragrance qui nous ressemble, parfois c’est difficile pour certains, c’est pour cela qu’existe le luxe suprême au cas où la personne ne trouve pas son bonheur : le parfum personnalisé, unique, entièrement sur mesure qui se fabrique spécialement pour la personne qui le désire.

Ce mélange de matières premières et de molécules de synthèses, qui sent différemment sur les personnes, selon la peau, est utilisé aussi dans la vie quotidienne pour parfumer les maisons. Il est un objet de luxe (petit ou grand budget), mais il reste perçu différemment en fonction des cultures. On a vu précédemment que les Arabes, par exemple, vu leur passé avec le développement de la parfumerie, utilisent la méthode qu’a utilisé l’Homme primitif au début, mais cette fois-ci avec d’autres substances. La méthode consiste à utiliser la fumée comme principe odorant qui s’appelle BAKHOUR (6) qui embaume les maisons locales en Arabie- saoudite par exemple. Le oud est un parfum à base d'huile essentielle de bois qui est traditionnellement porté aussi bien par les hommes que les femmes, utilisé depuis des milliers d’années, le bakhour vient des tribus nomades du Moyen Orient, qui brulaient le bois d’agar pour parfumer l’air. De nos jours, le bakhour est couramment utilisé dans les bougies et aussi pour parfumer les vêtements ce qui leur confère une senteur plaisante et durable, dans les mariages, les fêtes,etc. Le bakhour est finalement perçu comme un élément des usages de l’hospitalité arabe.

Le parfum avec tous ces fragrances et ses vertus intemporelles reste un reflet d’une culture et d’une personnalité, ça raconte des histoires et ça crée des histoires.

(1) Roger Frétigny, un psychiatre et André Virel, sociologue, « L’Imagerie mentale. Introduction à l’onirothérapie » : livre qui parle de l’onirothérapie qui est un terme utilise en psychiatrie : le fait d’utiliser la pensée onirique dans un but thérapeutique.

(2) L’enfleurage est une technique utilisée dans la parfumerie qui repose sur le pouvoir des corps gras à absorber les odeurs. Elle est pratiquée, selon la résistance des plantes à la température, à froid ou à chaud.

(3) Le prix du parfum dépend généralement de plusieurs facteurs. Parmi eux, on peut citer : la formule en elle-même, la matière première naturelle ou non, le flacon, ainsi que la figure qui présente ce parfum, c’est-à-dire la personne qui fait la publicité du parfum, une égérie qui raconte une histoire de ce parfum, qui donne envie d’aller l’acheter et de le tester. Ce rôle coûte extrêmement cher.

 

(4) L’école supérieure du parfum, à Paris et à Grasse, propose une formation sur 5 ans, autour de la création et du mangement pour l’industrie du parfum.

 

(5) Né à Grasse, il a conçu de nombreux parfums pour des grandes marques de luxe, Opium pour Yves Saint Laurent, Poème pour Lancôme. Il est actuellement parfumeur chez Louis Vuitton.

 

(6) BAKHOUR:  une manière de profiter de l’odeur du OUD -le bois de l'oud est un bois résineux, originaire des forêts tropicales d'Asie-; c’est le nom donné aux copeaux de bois d’agar trempés dans du jasmins et du bois de sental et qui permet d’adoucir et de rendre plus sucrée la puissante odeur du oud. Ces copeaux sont ensuite comprimés et taillés avant d'être emballés et présentés sous forme de petits blocs de tailles égales. Ces morceaux seront ensuite brûlés, chez les locaux, dans un poêle à charbon ou un brûleur électrique afin d'obtenir des volutes de fumée qui parfumeront la pièce.

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Collage, Dhanoun Hanane ©

BIBLIOGRAPHIE

Benalloul Gabriel, Argueyrolles Laurence, L’inventaire du patrimoine industriel des parfumeries de Grasse, Élites et familles méditerranéennes influentes en politique, XIXe-XXe siècles / La parfumerie grassoise dans tous ses états, Cahiers de la Méditerranée, nº92, 2016, pp.229-240.

 

Benalloul Gabriel, Buffa Géraud, Grasse : l’usine à parfums, Lyon,Editions Lieux Dits, 2015.

 

Chevalier Jean, Cherbrant Alain, Dictionnaire des symboles, Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Paris : Ed Robert Laffont, Jupiter 1982.

 

Fontmichel Hervé de, Histoire de la Parfumerie grassoise, in : Gonnet Paul (sous la direction de), Histoire de Grasse et sa région, Roanne/le Coteau, Horvath, Histoire des villes de France, 1984.

 

Monge Romain, La valorisation tardive des plantes à parfum et du savoir-faire grassois au tournant du XXIe siècle, Cahiers de la Méditerranée,  nº 92, 2016, pp.255-270.

 

Moreau Camille. Être nez, ce n’est pas avoir un odorat exceptionnel, Lexpress.fr , 27/07/2018.

 

Rosati-Marzetti Chloé, L’identité d’une ville au travers de ses artefacts : Grasse, de 1860 à nos jours : étude de la co-construction d’un imaginaire touristique et d’une identité locale, 2013 [thèse de doctorat en anthropologie, Université de Nice – Sophia Antipolis, sous la dir de Joël Candau et Philippe Hameau]. Disponible sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00950146/document

 

Taravant Mélanie (presenté par) Le parfum : quelle(s) histoire(s) ?  émission C à dire, France TV5, 31/12/2018.

 

Tykwer Tom,  Le parfum, histoire d'un meurtrier, 2006, 2h27min.

SITOGRAPHIE (consultée en décembre 2019)

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